Contrairement à ce qui se passe pour la plupart des articles de secours humanitaire courants, tels que les biens durables ou les produits de première nécessité non alimentaires, l’acquisition d’articles de santé va de pair avec un grand nombre de mises en garde particulières.
Enregistrement des produits pharmaceutiques - Dans la plupart des pays, les entreprises qui produisent, importent et vendent des produits pharmaceutiques sont tenues d’obtenir une évaluation et une approbation préalables de la part d’un organe directeur, souvent appelé autorité nationale de réglementation des médicaments, ou d’une autorité de réglementation rigoureuse. Les produits à enregistrer doivent avoir fait la preuve de leur efficacité, de leur sécurité et de leur qualité. L’enregistrement est souvent aussi appelé autorisation de mise sur le marché. Étant donné que la qualité des médicaments est vérifiée dans le cadre de la procédure d’enregistrement, chaque marque (produite par différents fabricants) est enregistrée indépendamment. Dans la plupart des cas, non seulement le produit, mais aussi l’emballage sont enregistrés. Les autorisations nationales de mise sur le marché ont souvent une durée de validité limitée et doivent être renouvelées selon une certaine périodicité. Les produits pharmaceutiques destinés à être importés dans le cadre de l’aide humanitaire (à des fins non commerciales) peuvent être exemptés de l’enregistrement des produits pharmaceutiques dans le pays de destination. Il est important de ne pas supposer que ce sera le cas et de vérifier les détails auprès des autorités compétentes du pays avant l’envoi des marchandises.
Liste des médicaments essentiels - Chaque pays définit sa propre liste de médicaments essentiels afin de répondre aux besoins prioritaires de sa population en matière de soins de santé. Les médicaments essentiels sont sélectionnés en fonction de la prévalence des maladies et de leur pertinence pour la santé publique, des preuves de leur efficacité et de leur sécurité, ainsi que de leur rapport coût-efficacité. Les médicaments essentiels sont censés être toujours disponibles dans le contexte de systèmes de santé opérationnels, en quantité suffisante, sous les formes pharmaceutiques appropriées, avec une qualité garantie et des informations adéquates, à un prix abordable pour l’individu et la communauté.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) tient ce qu’elle appelle la "Liste modèle des médicaments essentiels", une liste de médicaments officiellement reconnus, examinés et approuvés par l’OMS en vue de leur utilisation par les populations du monde entier. La liste modèle des médicaments essentiels est réexaminée tous les deux ans, des médicaments étant ajoutés ou supprimés sur la base de conseils fondés sur les données cliniques les plus récentes. Le contenu de la liste modèle est consultable via une base de données en ligne. La liste modèle des médicaments essentiels n’est pas la liste définitive des médicaments utilisables dans tous les contextes ni la liste de tous les médicaments approuvés. Elle sert simplement de guide de référence aux autorités nationales, aux fabricants et aux importateurs. Le guide de l’OMS sur la Sélection des médicaments essentiels au niveau national fournit de plus amples informations sur la manière dont les médicaments essentiels sont déterminés au niveau national.
La majorité des pays dans lesquels les organisations humanitaires interviennent ont adopté au moins une partie de la liste modèle des médicaments essentiels, mais il est très fréquent que les pays ou les autorités nationales ajoutent des médicaments à la liste ou en retirent pour couvrir leurs propres besoins d’importation. Les pays peuvent choisir d’ajouter ou de supprimer des médicaments pour des raisons socioculturelles ou politiques, et certains pays ou régions disposent de systèmes extrêmement solides et complexes permettant de définir les médicaments et les dosages acceptables.
"De nombreux produits pharmaceutiques peuvent être enregistrés en vue d’une utilisation dans un pays, mais ils peuvent ne pas figurer sur la liste nationale des médicaments essentiels ou dans les directives thérapeutiques standard. Les produits qui ne figurent pas sur la liste des médicaments essentiels, mais qui sont utilisés par le secteur privé, peuvent néanmoins être enregistrés si leur efficacité, leur sécurité et leur qualité sont jugées acceptables par l’autorité de réglementation. Si le protocole d’enregistrement des produits pharmaceutiques n’est pas respecté, les produits peuvent être retenus par les douanes à leur entrée dans le pays. Non seulement cela retarde la livraison de produits de santé importants, mais cela fait perdre du temps et de l’argent, et risque d’entraîner la détérioration ou la péremption des produits lors de leur passage en douane."
Les autorités nationales de réglementation des médicaments peuvent également normaliser l’origine des produits de santé, leur forme de présentation et leurs dosages, les indications minimales d’identification et d’utilisation à fournir, etc.
On considère souvent que l’approvisionnement est le point crucial de l’assurance qualité des médicaments. La source des matières premières (principe actif, excipients: substances inertes utilisées pour donner à une préparation pharmaceutique une forme ou une consistance appropriée) ainsi que le mode de fabrication du produit pharmaceutique final déterminent la qualité intrinsèque de chaque médicament.
Réglementations des donateurs
Une part considérable des fonds utilisés pour acquérir des articles de santé en cas d’urgence provient de grands donateurs institutionnels. De nombreux donateurs disposent de procédures bien établies concernant la manière dont certains médicaments et dispositifs d’assistance médicale peuvent être acquis grâce à leurs fonds.
La plupart des principaux donateurs institutionnels n’autorisent les bénéficiaires de leurs fonds à acquérir des produits pharmaceutiques qu’auprès de fournisseurs préqualifiés. Les fournisseurs préqualifiés doivent faire l’objet d’audits approfondis et leurs normes d’assurance qualité doivent être régulièrement vérifiées. Par conséquent:
- Il existe un nombre limité de fournisseurs préqualifiés dans le monde, et ils se trouvent souvent en dehors des zones d’urgence.
- Les différents donateurs ne préqualifient pas toujours le même fournisseur. Si une organisation d’aide reçoit des fonds de plusieurs donateurs, elle pourra être obligée de s’approvisionner auprès de différentes sources en fonction du type de financement.
- Certains fournisseurs préqualifiés fonctionnent comme des organisations à but non lucratif, tandis que d’autres sont des entreprises commerciales. Cela peut avoir une incidence sur les coûts et la disponibilité des produits.
La variabilité et la spécificité géographique des fournisseurs préqualifiés par les donateurs impliquent que les organisations humanitaires se renseignent sur les réglementations de leurs donateurs respectifs avant d’acquérir des produits pharmaceutiques ou d’autres articles de santé. Le nombre assez restreint de fournisseurs signifie aussi que les produits devront probablement être importés. Veuillez vous référer à la sectionImportation et douanes pour plus d’informations.
Noms des produits
"La sélection des médicaments à fournir dans un pays touché par une situation d’urgence est d’une importance capitale car, si le médicament n’est pas bien connu des professionnels de santé qui le prescriront, il n’atteindra pas l’objectif d’utilisation prévu."
Les articles pharmaceutiques peuvent parfois être désignés sous divers noms. Lors de la commande de médicaments, il convient de tenir compte des points suivants.
Dénomination commune internationale - Une dénomination commune internationale est un nom unique donné aux substances pharmaceutiques ou aux principes actifs pharmaceutiques basés sur le produit, et qui est généralement reconnu au niveau mondial.
Nom de marque - Les noms de marque sont créés par un fabricant particulier à des fins de commercialisation et sont en général déposés. Tous les produits portant un nom de marque ont toutefois aussi une dénomination commune internationale, car il ne doit pas y avoir de différence de composition chimique d’une marque à l’autre. Certains produits pharmaceutiques portant un nom de marque peuvent encore être sous le brevet d’un fabricant. Ces produits bénéficient généralement d’une protection par brevet pendant 20 ans à compter de la date de dépôt du brevet, ce qui permet à l’inventeur des médicaments de récupérer les coûts initiaux occasionnés par la recherche-développement ainsi que les dépenses de commercialisation.
Médicament générique - Un médicament générique est un produit pharmaceutique fabriqué et distribué sans protection par brevet. Il contient les mêmes principes actifs qu’un médicament portant un nom de marque, mais il peut être fabriqué par un autre producteur.
Il est fortement recommandé d’utiliser les dénominations communes internationales pour désigner les médicaments. L’utilisation des dénominations communes internationales permet d’acquérir des produits de marque ou génériques auprès de plusieurs fournisseurs, et de les gérer comme s’il s’agissait d’un seul et même produit.
Kits sanitaires
La conception et l’utilisation de kits sanitaires d’urgence constituent une stratégie courante d’acquisition d’articles de santé dans des situations d’urgence humanitaire. Ces kits standardisés de médicaments et de fournitures médicales sont mis au point par les organismes pour répondre aux différents besoins de santé lors de la phase aiguë des situations d’urgence humanitaire et des catastrophes, normalement au cours des trois premiers mois, pendant lesquelsun modèle push est crucial pour lancer l’intervention. Il est capital de noter qu’une fois la phase aiguë d’une situation d’urgence terminée, ou en cas de situations d’urgence chroniques, la quantité de médicaments nécessaires doit être réévaluée en fonction des besoins opérationnels, et l’approvisionnement régulier en articles de santé doit dépendre de la demande liée à la consommation.
Le kit sanitaire d’urgence inter-institutions conçu par l’OMS est le plus largement adopté, mais il existe une variété d’autres kits destinés à la chirurgie traumatologique, à la santé maternelle et reproductive, à la santé des nouveau-nés et à des maladies infectieuses spécifiques, qui sont produits et gérés par différentes organisations humanitaires. Les kits sanitaires d’urgence peuvent comprendre un mélange de produits pharmaceutiques, de dispositifs et d’équipements médicaux, et sont prévus pour le traitement de certaines pathologies courantes dans des situations d’urgence. Le contenu de chaque kit est conçu pour soigner certaines maladies, pour un nombre spécifique de patients et pendant une période donnée, sur la base d’hypothèses fondées sur des protocoles de traitement standard au niveau mondial.
L’avantage des kits sanitaires d’urgence est qu’ils sont uniformément reconnus et stockés par plusieurs organisations et fournisseurs et qu’ils sont en général reconnus par les gouvernements. Un fabricant ou un fournisseur de produits pharmaceutiques peut assembler ou stocker des kits sanitaires sur la base de composants connus et présélectionnés, et les fonctionnaires des douanes et de la santé au niveau national disposent d’une documentation connue sur ce qui peut y être inclus. Selon l’organisation responsable du/des kit(s) spécifique(s), le contenu est généralement mis à jour au bout de quelques années afin de respecter les dernières lignes directrices cliniques et en fonction d’autres changements survenus dans le domaine du ravitaillement sanitaire.
L’utilisation du mot "kit" ne doit pas laisser entendre qu’il s’agit d’une seule boîte ou d’un seul sac. La majorité des kits sanitaires sont constitués de plusieurs boîtes et, dans certains cas, de plusieurs palettes par kit. En outre, un certain nombre de kits sanitaires contiennent un mélange de catégories de produits de santé, tels que des articles à température contrôlée, des articles à conserver au frais, des marchandises dangereuses ou des substances contrôlées, et la gestion des kits sanitaires nécessite une attention toute particulière ainsi que la mise en œuvre d’une procédure de gestion des risques liés à la qualité tout au long de la distribution.
Certaines grandes organisations humanitaires peuvent choisir d’élaborer leurs propres kits sanitaires, que d’autres organismes pourront ou non se procurer. Avant d’élaborer des kits sanitaires, les organismes doivent consulter les produits disponibles sur le marché, tout en gardant à l’esprit la nécessité de se conformer aux normes internationales, telles que les listes de médicaments essentiels.
Avantages des kits sanitaires préparés | Inconvénients des kits sanitaires préparés |
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Dons de médicaments et de fournitures de santé
Il existe de nombreux scénarios différents pour les dons de médicaments et de matériel de santé, tels que l’aide d’urgence, l’aide à long terme, ou encore l’assistance aux systèmes de santé nationaux ou aux établissements de santé individuels. Les dons peuvent provenir de sociétés pharmaceutiques (directement ou par l’intermédiaire d’organisations bénévoles privées), ils peuvent prendre la forme d’une aide des gouvernements, ou il peut s’agir de dons destinés directement à des établissements de soins de santé particuliers. Les bénéficiaires visés par les dons de médicaments vont des établissements individuels à des systèmes de santé entiers. Bien qu’il existe des différences légitimes entre ces scénarios, de nombreuses règles de base pour une pratique de don appropriée s’appliquent à tous.
L’OMS, en coopération avec les principaux organismes internationaux actifs dans le domaine des secours humanitaires et de l’aide au développement, a établi les Principes directeurs applicables aux dons de médicaments. Ces principes directeurs visent à améliorer la qualité des dons de médicaments dans le contexte de l’aide internationale au développement et de l’aide internationale d’urgence.
Ils ont pour objectif de décrire un noyau commun de bonnes pratiques en matière de dons de médicaments, fondées sur quelques principes fondamentaux:
- Les dons de médicaments doivent profiter au bénéficiaire dans toute la mesure du possible. Tous les dons doivent être basés sur un besoin exprimé. Les dons de médicaments non sollicités sont déconseillés.
- Les dons doivent être réalisés dans le respect des souhaits et de l’autorité du bénéficiaire, et en conformité avec les politiques gouvernementales et les dispositions administratives du pays destinataire: tous les médicaments donnés ou leurs équivalents génériques doivent être approuvés pour une utilisation dans le pays destinataire et doivent figurer sur la liste nationale des médicaments essentiels ou équivalent, ou dans les directives thérapeutiques standard nationales, si la liste nationale des médicaments essentiels n’est pas mise à jour.
- Il doit y avoir une coordination et une collaboration efficaces entre le donateur et le bénéficiaire, tous les dons étant effectués conformément à un plan établi par les deux parties.
- Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures en matière de qualité. Si la qualité d’un article est inacceptable dans le pays donateur, elle est également inacceptable dans le cas d’un don.
- Les articles ne doivent pas avoir une durée de conservation inférieure à la durée minimale requise à l’arrivée pour permettre une distribution et une consommation en temps voulu, sans entraîner d’activités de logistique inverse inutiles et les coûts qui en découlent.
Les différentes organisations humanitaires ont défini des exigences et des procédures internes pour l’acceptation des dons de fournitures médicales et de santé, qui visent à assurer la conformité avec les principes directeurs de l’OMS applicables aux dons de médicaments.