Approvisionnement
Éthique

L'aide humanitaire a élaboré son propre code de conduite de facto. Cet ensemble de principes a conduit à l'établissement de multiples normes, voire de règles, que les organismes observent lors de la mise en œuvre des programmes. Il existe (par exemple) des codes de conduite, compris et signés par tous les collaborateurs, qui peuvent contenir les règles imposées au personnel humanitaire :

  • Ne pas utiliser son autorité ou son statut à des fins personnelles.
  • Maintenir un niveau élevé d'intégrité et d'éthique dans les relations d'affaires.
  • Utiliser les ressources et les actifs de l'organisation de manière responsable.
  • Ne pas accepter de cadeaux personnels de la part des fournisseurs et ne se livrer à aucune autre pratique anticoncurrentielle.
  • Agir et se comporter de manière professionnelle en qualité de représentant de l'organisation et des donateurs, et éviter tout ce qui pourrait jeter le discrédit sur l'organisation ou les donateurs.

Dans la mesure du possible, la meilleure pratique consiste à inclure des exigences éthiques dans les appels d'offres publiés et à utiliser le respect des exigences éthiques comme critère de sélection. Souvent, les fournisseurs ne disposent pas de certifications normalisées et n'ont pas l'habitude de se conformer à des normes éthiques, d'où l'importance d'une bonne analyse du marché. Il est également essentiel de procéder à des visites régulières dans les locaux des fournisseurs pour évaluer leurs méthodes de travail.

Normes, protocoles et contrôles

Chaque organisation doit mettre en place des contrôles pour gérer les manquements et y réagir. L'application des normes et protocoles de manière pertinente et dans des contextes opérationnels spécifiques constitue un défi permanent pour les organisations humanitaires. Ces principes d'action sont généralement compris comme un guide, et peuvent inclure les éléments suivants :

  • Responsabilité humanitaire - « Ne pas nuire » (prévention des conséquences négatives, « nous sommes des visiteurs », respect des cultures locales).
  • Protection des victimes - Présence protectrice auprès des victimes.
  • Collaboration avec les parties prenantes (locales, internationales) - Échange de savoir-faire, optimisation des ressources, autonomisation, durabilité.
  • Engagement à améliorer l'éducation et la formation des équipes (personnel national) et des bénéficiaires.
  • Priorité accordée aux groupes les plus vulnérables
  • Participation maximale des bénéficiaires
  • Respect de l'environnement - Solutions techniques respectueuses de l'environnement, recherche et développement, analyse d'impact, sensibilisation des communautés.
  • Approche intégrée des interventions/coordination avec d'autres organisations.

Pour guider et appliquer ces principes, des politiques spécifiques doivent être rédigées, abordant chaque question en profondeur, expliquant le pourquoi et le comment, et établissant des mesures correctives. Voici quelques-unes des politiques internes les plus courantes  :

  • Politique de protection des « lanceurs d'alerte » : protection contre d'éventuelles représailles pour avoir signalé des manquements et pour avoir coopéré à des audits et des enquêtes dûment autorisés.
  • Politique en matière de harcèlement, de harcèlement sexuel et d'abus de pouvoir : veiller à ce que des abus, des comportements offensants, du harcèlement, des abus de pouvoir ou de la discrimination ne se produisent dans aucun des lieux de travail. Il s'agit également de promouvoir une culture de travail dans laquelle chaque collaborateur comprend ses responsabilités personnelles en matière de maintien de la dignité de ses collègues de travail et est capable de les assumer.

Il ne suffit pas nécessairement de s'assurer que ces principes sont respectés en interne, mais ceux-ci doivent être appliqués dans les relations avec les tiers. Pour faciliter cela, il est courant que les contrats comprennent des politiques spécifiques auxquelles les tiers doivent se conformer. Voici quelques exemples de ces politiques : 

  • Politique antifraude et anticorruption.
  • Prévention du travail des enfants.
  • Prévention de l'esclavage moderne.
  • Meilleures pratiques en matière de gestion des déchets.
  • Antiterrorisme.

Ces politiques et mécanismes de retour d'information peuvent également être inclus ou mentionnés dans les conditions générales (CG) jointes à tout bon de commande, permettant aux fournisseurs de comprendre leurs obligations et d'informer les organismes  de tout problème potentiel. 

Conflits d'intérêts

Un conflit d'intérêts peut être défini comme toute incompatibilité réelle, perçue ou potentielle entre les intérêts privés d'un collaborateur et ses fonctions officielles ou les intérêts de l'organisation. Un conflit d'intérêts peut porter, sans s'y limiter, sur les éléments suivants :

  • Un collaborateur semble profiter, directement ou indirectement, d'une activité d'approvisionnement.
  • Un tiers profite indûment de son association avec un collaborateur.
  • Toute personne au sein d'une organisation détient un intérêt financier dans une entreprise qui s'engage dans une affaire ou une transaction avec l'organisation.

Exemples de conflits d'intérêts :

  • Accepter des cadeaux de la part de personnes ou d'entités externes avec lesquelles l'organisation est en relation, y compris les vendeurs, les consultants et les gouvernements.
  • Accepter des activités de divertissement offertes par des personnes et des organisations qui cherchent à faire des affaires avec l'organisation ou à l'influencer.
  • Soutenir une organisation externe par son travail, par des dons financiers majeurs ou en prêtant son nom ou sa réputation à une démarche.
  • Utiliser la réputation de l'organisation à des fins personnelles.
  • Relation financière ou familiale directe avec des personnes ou des entités externes avec lesquelles l'organisation est en relation.

Meilleures pratiques 

Les organismes d'aide sont encouragés à introduire et à suivre les meilleures pratiques tout au long du processus d'approvisionnement. Un tableau général des meilleures pratiques acceptées est présenté ci-dessous :

Domaines de meilleures pratiques

Exemple

Comportement individuel.

  • Respecter les règles et règlements de l'organisation
  • Toujours garder à l'esprit l'intérêt de l'organisation
  • Appliquer les principes de professionnalisme, d'efficacité et d'intégrité
  • Lors de la gestion d'un contrat, équilibrer la nécessité d'obtenir la confiance du fournisseur et celle de maintenir les distances
  • S'abstenir de communiquer des informations confidentielles
  • Agir dans l'intérêt de l'organisation, mais en tenant compte des règles et des procédures
  • Essayer de comprendre l'« esprit de la loi » et le raisonnement qui sous-tend les règles
  • Faire attention aux « signaux d'alerte » potentiels
  • Discuter ouvertement en cas de difficultés
  • Faire part de ses connaissances en matière d'approvisionnement au sein de son unité
  • Accroître la sensibilisation aux valeurs éthiques dans son unité
  • Veiller au respect des procédures d'approvisionnement correctes
  • Améliorer ses connaissances des règles et procédures d'approvisionnement
  • Savoir qu'il existe de nombreux documents pouvant aider à gérer les « zones grises »
  • S'assurer de consigner et d'archiver tout écart par rapport aux règles correctes
  • Montrer l'exemple
  • En cas de doute : demander

Pratiques de travail avec les fournisseurs.

  • Les activités doivent être menées pendant les heures de travail normales
  • Les réunions avec les fournisseurs doivent se tenir en présence d'au moins deux membres du personnel de l'organisation
  • Les fournisseurs ne doivent pas être invités dans les bureaux du personnel de l'organisation, mais à la cafétéria ou dans une salle de réunion
  • Les réunions doivent avoir un ordre du jour et un procès-verbal
  • Veiller à prendre suffisamment de distance lors du travail avec les fournisseurs, surtout s'il s'agit du même depuis de nombreuses années
  • S'assurer de connaître les politiques pertinentes et de savoir comment appliquer les principes éthiques de l'organisation dans son travail

Éviter les excuses au sein de l'équipe et avec des collaborateurs. L'éthique consiste à faire « ce qui est juste », même en dehors du lieu de travail. Il est important d'être vigilant et de ne pas relâcher son comportement au travail.

  • « Je dois faire des économies pour atteindre mon objectif. »
  • « Je n'ai pas le temps/les ressources nécessaires pour faire ce qui est juste. »
  • « Mes pairs attendent de moi que j'agisse de cette façon. »
  • « Mes supérieurs veulent des résultats. »
  • « Je ne pense pas que ce soit vraiment mal ou illégal. »
  • « D'autres penseraient que c'est un bon choix. »
  • « Personne ne verra jamais la différence. »
  • « J'ai peur de faire ce que je sais être juste. »
  • « Cela s'est toujours fait ainsi. »
  • « Soyons pratiques. »

Faire attention aux signaux d'alerte. Rechercher les symptômes possibles d'un comportement contraire à l'éthique et être vigilant.

  • Écarts par rapport aux procédures correctes
  • Mauvaise tenue des dossiers/dossiers manquants
  • Secret excessif
  • Réticence à déléguer
  • Protection de certains fournisseurs
  • Résistance à l'audit
  • Réunions inutiles avec les fournisseurs
  • Surfacturation par le fournisseur

 

Planification des approvisionnements

Catégories de marché

Le concept de « catégories de marché » permet de regrouper et de combiner les achats de manière plus structurée en fonction de leur nature et de leurs spécificités, ainsi que de garantir le respect des principes d'approvisionnement tout en facilitant le processus d'approvisionnement en mettant en place des normes et des outils.  En outre, il est possible que les différentes catégories de marché possèdent des seuils différents. En général, il existe quatre catégories principales ou « marchés » avec lesquels les organisations humanitaires travaillent, mais des variantes et des catégories supplémentaires peuvent exister et existent effectivement.

Biens/fournitures

La catégorie des biens ou des fournitures comprend l'achat d'articles tangibles et/ou de leurs ensembles connexes. En général, un marché est considéré comme concernant des biens/fournitures lorsqu'il y a un transfert de propriété de produits tangibles.

Un produit est défini par deux éléments :

  • Spécifications techniques ou description détaillée (incluant des images si nécessaire)
  • Unité d'achat (kg, L, pièce, etc.)

Tous les coûts associés à la production, à la préparation, à l'installation, à l'entretien et à l'élimination des produits achetés (coût total de possession) peuvent être considérés comme faisant partie du marché des biens si les services supplémentaires ont été acquis, fournis et facturés ensemble et tant que ces coûts restent inférieurs au coût d'achat total.

Les achats caractéristiques sur le marché des biens comprennent les denrées alimentaires, les outils, les matériaux de construction, les fournitures de bureau, les équipements, etc.

Construction/entretien

La construction/l'entretien est une catégorie de marché qui comprend la conception de l'ouvrage et/ou son exécution conformément aux exigences préalablement spécifiées.

Les procédures d'approvisionnement et de suivi sur le marché de la construction/maintenance comprennent généralement une visite du lieu où les travaux doivent être réalisés avec les entrepreneurs potentiels, ce qui leur permet de mieux comprendre les besoins et les exigences afin de soumettre une offre plus précise. Comme la finalisation des travaux prend en général du temps, les plans doivent inclure un calendrier d'exécution et préciser les moments où les visites d'inspection doivent être effectuées.

Des exemples courants sont la réfection d'un bâtiment (en tout ou partie), tout type de construction, des tronçons de route, etc.

Services

La catégorie de marché des services comprend les services intellectuels et non intellectuels qui ne correspondent pas aux définitions des marchés des biens et des travaux. Les évaluations, l'assistance technique ou toute autre activité n'impliquant pas le transfert d'un produit tangible sont considérées comme des services.

Dans le cadre de ce marché, il est possible de recourir aux services d'expéditeurs, de juristes, de consultants, à des services de traduction, de transport, etc.

Immobilier/location

Les marchés immobilier/locatif concernent la location de biens immobiliers, qu'il s'agisse de terrains ou de bâtiments, quelle que soit leur destination. Ce marché possède certaines caractéristiques qui rendent le processus de recherche de sources d'approvisionnement et de sélection légèrement différent par rapport aux autres marchés :

  • Il n'y a pas de fournisseurs ou de prestataires, mais des propriétaires.
  • Il n'y a pas de transfert de propriété, mais un droit d'utilisation pendant une période donnée.
  • Il existe des lois spécifiques s'appliquant à l'immobilier.

La complexité du marché immobilier fait qu'il est difficile d'évaluer deux ou plusieurs locaux exactement selon les mêmes critères. Bien qu'il existe certains aspects comparables tels que l'emplacement, la structure, la répartition interne, les questions de sécurité, le processus de sélection est plus complexe. Le personnel chargé de la logistique associée à l'approvisionnement doit évaluer le marché local (activement) et choisir l'option la plus économique qui correspond le plus possible aux exigences initiales.

Stratégie d'approvisionnement

Toute stratégie d'approvisionnement doit respecter les principes fondamentaux d'approvisionnement établis par une organisation et doit intégrer des plans d'approvisionnement différents pour les programmes ou les projets dont les besoins sont prédéfinis. Les organismes doivent savoir ce qui est nécessaire, où et quand, et choisir une stratégie d'approvisionnement de soutien  en prêtant attention au coût total de possession (par exemple achat initial, frais d'expédition, d'exploitation, d'entretien et d'élimination), aux conditions spéciales sur le terrain et à la capacité réelle d'acquérir et de fournir les matériaux et les services nécessaires. Si les organismes n'abordent pas l'approvisionnement de manière stratégique, ils risquent de ne pas pouvoir répondre à tous les besoins, de ne pas respecter les restrictions budgétaires et s'exposent à des risques financiers, pour leur réputation ou même leur sécurité.

Une stratégie doit être flexible et prête à être révisée en fonction de l'évolution des conditions, des exigences ou du contexte dans lequel évolue l'organisation. Chaque intervention doit disposer d'un plan d'approvisionnement séparé qui reflète les informations minimales sur les besoins prévus, permettant :

  • D'améliorer la recherche de sources d'approvisionnement, et donc d'accroître la concurrence.
  • D'atténuer le risque de redondance en réduisant les coûts de transaction et les prix grâce à la consolidation des actions d'approvisionnement.
  • D'augmenter l'utilisation efficace des ressources en évitant les actions de dernière minute.
  • De prévenir le non-respect des règlements, des règles et des procédures en raison d'un oubli ou de contraintes de temps.

Les plans d'approvisionnement forment la base de tout processus d'approvisionnement : ils doivent être préparés avant le début de tout(e) action, programme ou projet, et doivent être fondés sur une analyse du budget, du nombre de bénéficiaires et des activités. L'exercice est un effort commun entre tous les participants, y compris le personnel du projet et du programme, le personnel chargé de la logistique associée à l'approvisionnement et le personnel financier qui contrôle les budgets. Le plan doit formaliser les détails suivants :

  • Description des biens/services à acquérir.
  • Estimation des coûts et des quantités des biens et services nécessaires.
  • Catégories de biens et de services.
  • Méthodes d'appel d'offres.
  • Dates de livraison prévues (calendrier/programme).

Il est possible que les organisations d'aide ne puissent pas prévoir tous les besoins pendant toute la durée du projet, et qu'un plan donné subisse des modifications majeures ou mineures en raison de l'évolution des conditions. Cependant, il existe en général des besoins récurrents qui peuvent être anticipés, et certaines estimations raisonnables peuvent être basées sur des expériences passées dont les planificateurs peuvent extraire des informations.

Il est essentiel de définir clairement les besoins pour chaque bien ou service nécessaire lors de la phase de planification. Cela permet aux personnes chargées de l'approvisionnement de mieux comprendre la fonction, les prestations et les spécifications techniques qui seront nécessaires pour satisfaire les besoins du demandeur, de déterminer la meilleure solution pour y répondre et d'établir les critères d'évaluation pour garantir le respect des normes de qualité.

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